Du management participatif au management coopératif Stéphane Jacquet 

Extrait de http://www.creg.ac-versailles.fr/spip.php?article625

"Le positionnement de " l’école du management participatif ”

Il n’y a pas, à proprement parler, une école du management participatif mais on peut regrouper différents auteurs, sous cette approche, qui considèrent l’organisation comme un système ouvert avec une vision sociale. Il s’agit de mobiliser au travers de la culture d’entreprise et de responsabiliser tous les collaborateurs autour des objectifs de l’organisation. Les principaux auteurs sont William Ouchi, auteur de la Théorie Z, mais aussi James March et surtout Octave Gélinier. Octave Gélinier est parti du concept de départ de DPO pour le faire évoluer en « DPPO » (direction participative par objectifs). Les objectifs sont fixés de manière collective pour susciter la motivation, grâce à des négociations et concertations au sein des équipes de production. Il faut donc que l’entreprise soit organisée en départements autonomes capables d’estimer et de chercher à atteindre des objectifs opérationnels (la plupart à l’échéance d’un an). Dans son ouvrage majeur, Direction participative par objectifs (1968), O. Gélinier estime que la DPPO est un nouveau style de management, avec des objectifs cohérents et la mise en place de véritables procédures participatives. Dans son ouvrage, Le secret des structures compétitives (1977, éditions hommes et techniques), il dénonce la bureaucratie mécaniste et propose quelques principes de « management moderne », basés sur l’efficacité, en particulier dans la prise de décision. Pour lui, l’entreprise doit s’adapter à son environnement et assurer une grande mobilité verticale. L’initiative des collaborateurs, et leur participation aux prises de décision, pourra permettre la motivation et donc le profit.

William Ouchi, professeur américain à l’université d’UCLA s’est intéressé aux entreprises japonaises et à leurs spécificités, par rapport aux entreprises américaines. Il est à l’origine de la « Théorie Z » et postule que la productivité des entreprises japonaises trouve son explication dans l’organisation sociale et les rapports humains. La prise de décision y est participative et le collectivisme est une valeur forte de l’entreprise. L’individu est inclus dans le groupe, ce qui renforce la responsabilité collective et le sentiment d’appartenance. L’entreprise « Z » s’apparente à un clan où tout le monde est focalisé sur un objectif commun. De là naît une véritable culture d’entreprise,  entretenue dans des structures de progrès comme les cercles de qualité. Les docteurs Deming et Juran les ont mis en place après la guerre pour obtenir des progrès en utilisant le levier de la réflexion collective. Les employés sont regroupés par unité de travail et analysent les dysfonctionnements pour proposer des solutions concrètes. Ces cercles de qualité permettent le « kaizen », c’est à dire le progrès continu, en s’appuyant sur les ressources du groupe. Source : caseeworld.com

Karl Weick., professeur à l’université du Michigan, Weick s’intéresse, dans les années 70, au développement du groupe et à l’élaboration collective du sens au travail. Dans son ouvrage, The social psychology of organizing (1979), il précise la théorie du « sensemaking » qui désigne un processus continu d’élaboration du sens au travail. Pour lui, la dynamique organisationnelle est telle que des liens sont tissés entre les individus et un sens commun se dégage. Il résulte à la fois d’un processus de communication, d’un apprentissage lié à l’expérience et de la socialisation de ces expériences.

L’organisation est donc processuelle et se construit dans l’interaction des individus. Le management participatif trouve tout son sens dans cette analyse car il facilite la communication interpersonnelle. C’est bien la qualité des liens entre les individus qui fait l’organisation. Plus tard, en 1994, Smith et Katzenbach vont démontrer comment le groupe se métamorphose en équipe authentique.

C’est bien le management participatif qui permet cette « transformation » ; un simple groupe de travail n’est pas nécessairement voué à devenir une réelle équipe s’il ne remplit pas un certain nombre de conditions et ne partage pas certains éléments. Tout repose sur la confiance et la décision collégiale, ce qui entraîne naturellement la performance. La « valeur ajoutée » d’une équipe par rapport à un groupe est évidente et bien mise en avant dans le tableau suivant :

Une équipe de chercheurs s’est penchée, entre 1995 et 1999, sur une quarantaine d’établissements industriels américains, dans trois branches aussi contrastées que possible : la métallurgie, la confection et l’imagerie médicale. Ils ont effectué des comparaisons de leur rentabilité et mesuré divers indicateurs de stress. Alors qu’ils s’attendaient à trouver une liaison positive entre les deux, le résultat est le contraire : les établissements les plus rentables sont ceux qui ont instauré un « système de travail à hautes performances », associant autonomie des travailleurs et management participatif et qui engendrent moins de stress que les autres (Manufacturing Advantage. Why High-Performance Work Systems Pay off, E. Appelbaum, T. Bailey, P. Berg et A. Kalleberg, Economic Policy Institute, ILR Press, CornellU. Press).

Les principes du management coopératif redeviennent d’actualité, comme la recherche du sens et du bonheur au travail. Annick Lainé propose de mettre en place le management coopératif pour prévenir les risques sociaux (Annick Lainé, ICA Research Conference, septembre 2010). Le management coopératif allie à la fois le Management (gestion des hommes et des opérations) et la Participation (partage conséquent entre les acteurs de l’entreprise dans les prises de décision, la transmission des compétences, la responsabilisation, l’autonomie...). Il s’agit donc d’une forme « moderne » du management participatif, car elle s’appuie sur les principes de la coopération. Dans une étude de 2000, Pichault et Nizet identifient cinq modèles de gestion des Ressources Humaines. Les deux derniers modèles font appel aux principes participatifs, mais avec des nuances. Le modèle conventionnaliste met en avant le management participatif et insiste sur la collégialité de la prise de décision, alors que le modèle valoriel est centré sur l’identification à une culture d’entreprise et repose sur une vraie coopération car aucun acteur n’est dominant (Pichault et Nizet, Les pratiques de GRH, Seuil, 2000).


 

Des principes solides

La coopération peut être approchée de deux manières, complémentaire et communautaire, ce qui fait que le travail coopératif est dual (Stéphanie Dameron, La dualité du travail coopératif, revue française de gestion, 2005). L’auteure démontre que ces deux approches s’entremêlent. Alors que dans un système de coopération complémentaire, des individus différents s’associent dans une logique de gain, la coopération communautaire rassemble des individus fortement ressemblants, avec une identité commune. Cependant, le projet est commun aux deux conceptions et ce n’est que la forme de rationalité qui les différencie (rationalité stratégique dans la première et identitaire dans la seconde). La même entreprise peut utiliser les deux, suivant l’évolution du marché, la dynamique de recrutement des collaborateurs (on peut démarrer avec des « missionnaires » et puis s’entourer ensuite de spécialistes qui adhèrent au projet). Cette analyse est intéressante car elle permet d’évacuer l’approche simpliste et préjugée qui consiste à ne voir dans les formes d’entreprises de l’économie sociale que des organisations de missionnaires. Les milliers de collaborateurs de FAGOR peuvent être des coopérateurs sans que cette coopération réponde à une motivation unique.

Le management coopératif s’appuie sur des principes essentiels, précisés par Jérôme Delacroix (Le management coopératif : un autre chemin vers la performance, Coopératique, 2006) :

  • La circulation libre de l’information ;
  • L’adoption de comportements basés sur la confiance et l’entraide ;
  • La conjonction recherchée de l’intérêt de l’entreprise et celui de chaque  salarié ;
  • La mise en œuvre de moyens humains, technologiques et organisationnels pour atteindre ces objectifs.

Cela suppose un environnement favorable, surtout l’adhésion de toutes les parties prenantes (dont les clients). Le management coopératif s’étend alors aux relations avec les fournisseurs mais aussi avec les consommateurs. La conjoncture et les affaires actuelles dans le domaine de l’agro- alimentaire montrent bien la volonté de nombreux consommateurs de mieux s’impliquer dans le système alimentaire, voire de participer à l’élaboration de produits (comme « consomm’acteur »). De nombreux outils informatiques facilitent cette coopération (réunions, espaces de travail collaboratifs, blogs, wikis...). Le web 2.0 favorise l’ouverture et la construction commune (projets ouverts et collaboratifs).

Depuis longtemps, Joël de Rosnay propose sa vision du monde global et de la société en réseau (Le macroscope, 1975). Il y développe la notion de société "fluide”, traversée par de nombreux réseaux. Le management coopératif s’appuie donc principalement sur la notion de réseau et de mise en commun de ressources et d’énergies. Les systèmes de coopération technologiques font l’objet de nombreuses études, montrant leur puissance, comme celle de Howard Rheingold (Foules Intelligentes, titre original : SMART MOBS, M21 éditions, 2005).

Il s’agit, cependant, de redonner du sens au travail, ce que proposait déjà K. Weick (voir plus haut).

Le sensemaking, donner du sens au travail

Pour imposer le management coopératif, il faut rechercher « l’interaction respectueuse » (confiance, honnêteté et respect de soi), mais aussi la curiosité et la volonté de travailler ensemble. Karl Weick propose trois sources de sens : la culture, la stratégie et la structure. La culture va produire des repères, indispensables à la pérennisation du modèle, quand la stratégie va préciser les conditions de la contribution de chacun. Enfin, la structure va poser le cadre formel qui va codifier la coopération, comme par exemple le type d’entreprise (SCOP ou SCIC).

L’intelligence collective, de nouveau à l’ordre du jour

Sur la base du proverbe connu : « l’union fait la force », on peut mettre en avant les gains de la coopération, à travers le concept d’intelligence collective. Dans un documentaire poignant, Naomi Klein (Auteure du célèbre « No logo ») décortique le phénomène de résistance de salariés touchés par la crise en Argentine et leur combat collectif pour mettre en place un modèle autogéré (The take, 2004, rel="noopener">http://www.thetake.org/). Certains salariés ont décidé de se fédérer pour relancer leurs entreprises pilotées selon un principe de démocratie directe. Trois ans après le documentaire, 1700 entreprises autogérées ont réussi à maintenir leur activité. On peut donc chercher à approfondir ce concept d’intelligence collective et son apport au management. L’intelligence collective désigne les capacités cognitives d’une communauté résultant des interactions multiples entre ses membres (ou agents). Des agents au comportement très simple peuvent ainsi accomplir des tâches apparemment très complexes grâce à un mécanisme fondamental appelé « effet de synergie ». Les conditions de réussite de ce modèle demeurent assez précises :

  • L’existence d’une communauté d’intérêt, par exemple autour de l’entreprise ;
  • La  libre appartenance de ses membres, l’entrée est volontaire et la participation personnelle ;
  • Une structure horizontale et des règles de gestion collective, les décisions stratégiques font l’objet d’un vote ;
  • Un espace collaboratif et des outils de coopération, la communication se fait en réseau pour permettre l’interaction de tous les membres ;
  • Un espace et des temps de partage pour faciliter et entretenir l’émergence d’une conscience commune.

Selon Emile Servan-Schreiber (Chercheur en sciences cognitives aux USA), il faut quatre « ingrédients » pour produire de l’intelligence collective : diversité des opinions, décentralisation des sources, indépendance d’esprit et, enfin, un mécanisme objectif pour extraire le consensus en toute transparence. On peut le voir sur ce schéma :

Le management de l’intelligence collective n’est donc pas la négation de l’individu et de ses opinions, bien au contraire, c’est une construction d’un consensus au contenu forcément riche car partagé et généré grâce à la complémentarité et aux synergies.


 

Le travail coopératif, un nouveau modèle de management ?

En réaction contre la souffrance au travail (Desjours, Hirigoyen...), certaines organisations innovantes présentent un modèle collaboratif et humaniste. En 2010, le cabinet BPI a cherché à recenser ces pratiques. Le modèle « Google » est le plus connu, permettant à ses collaborateurs de consacrer 20 % de leur temps à des projets personnels avec les personnes de leur choix. Le cabinet présente également le cas d’une SCOP ardéchoise, Ardelaine, où les 25 coopérateurs sont sur un pied d’égalité salariale et tous polyvalents. A chaque exemple, le travail coopératif est mis en exergue et apparaît même comme un modèle managérial d’avenir. Un article intéressant de 2011 développe le concept de « démocratie d’entreprise », suite à une journée de réflexion sur les « manières alternatives de management » tenue à l’UNESCO le 17/11/11 (Qu’est-ce que la démocratie dans le monde de l’entreprise, Thibaud Brière, JDN sur http://www.journaldunet.com). En réaction à un management « autocratique », l’auteur présente les différentes formes que peut prendre cette démocratie d’entreprise. La plus connue est celle de l’actionnariat salarié, qui peut être un principe de base important dans des entreprises paternalistes comme AUCHAN (où les salariés détiennent environ 15 % du capital par l’intermédiaire de Valauchan, l’entreprise n’étant pas cotée en bourse). La participation constitue le dispositif juridique le plus connu, mais il est souvent « isolé » car uniquement financier, il faut aller au delà. C’est ce qui est fait dans le modèle de la coopérative, voire dans celui de l’entreprise autogérée, où le pouvoir s’exerce collectivement. Des formes plus poussées sont explorées par l’auteur, comme celle de « l’entreprise libérée », dans laquelle le bien commun des salariés est recherché. Un ouvrage récent (Liberté et Cie : quand la liberté des salariés fait le bonheur des entreprises, Carney et Getz, Fayard, 2012) présente de manière provocatrice ces entreprises du « pourquoi » (celles qui donnent du sens) opposées aux entreprises du « comment », en affirmant que « la liberté, ça marche ! ». Ils développent largement le cas de l’entreprise FAVI (voir plus bas) dans laquelle le patron a supprimé les pointeuses pour que les salariés « travaillent pour faire des produits, pas des heures ». Ainsi, il convient d’explorer plus précisément le modèle coopératif et les cas de réussite de ce type de management.

2.2. Des réussites encourageantes (comment coopérer ?)

Les SCOP, longtemps marginalisées, font leur retour en affirmant la solidité de leur modèle et son caractère universel. A l’occasion de conflits sociaux récents et sur fond de vagues de licenciements, le modèle semble constituer la « dernière chance » pour maintenir l’activité lors des fermetures annoncées d’usines. L’affaire FRALIB, avec le projet de certains salariés de reprendre l’exploitation de la marque « Eléphant » d’Unilever, à partir d’une structure SCOP, ou bien l’affaire SEAFRANCE, dans laquelle un projet de SCOP a été développé pour sauver 500 emplois, ont rendu la SCOP « populaire », en temps de crise. Il s’agit donc d’en préciser les contours." Télécharger article complet

 

La participation : vues  d'amérique Centrale,
URD mai 2002 

C’est dans les années soixante que le terme de « participation » apparaît au Salvador dans les projets de développement. La participation se résume à l’époque à l’apport d’une main d’œuvre généralement non qualifiée par les bénéficiaires de projets de construction d’infrastructures. Toutes les décisions, la planification et le suivi des projets étaient de l’entière responsabilité des agences du gouvernement central. Peu à peu, lors de la période de la guerre civile, le concept de participation a évolué d’une vision que les ONG qualifient aujourd’hui de «paternaliste» vers une vision attachée au terme de capacitacion, à savoir la promotion des potentialités des communautés par la formation.

Par l’intermédiaire des projets, l’objectif est alors de développer les capacités de gestion de projets de certaines communautés. On parle alors de l’«auto gestion », c’est à dire l’accès à la décision et la reconnaissance des groupes communautaires par les différents acteurs économiques et sociaux.

Enfin, le concept d’empoderamiento, néologisme du terme anglo-saxon « empowerment », se caractérise comme un modèle intégrant la planification et la gestion participative. A l’intérieur de ce modèle, le rôle de la population est de :

  • •Identifier ses besoins et proposer des solutions.
  • •Hiérarchiser les projets et dresser un plan pour la gestion du développement communautaire.
  • •Participer à l’exécution, l’administration et l’entretien.
  • •Participer au suivi et à l’évaluation du projet.

Ce type d’expérience a été uniquement initié et appuyé par certaines organisations non gouvernementales dans de petites municipalités du nord et de l’est du Salvador (zones où se trouvent les principaux foyers de la guérilla). Les auteurs de ce type de projet soulignent la complexité pour transposer ce modèle dans des communautés plus grandes, à la structure sociale et économique bien plus complexe. Selon les travaux de recherche de l’ONG salvadorienne FUNDE, les projets se basant sur le concept de l’«empoderamiento» (où la population participe à des décisions relatives à la gestion du développement local, à l’élaboration d’un plan de développement) sont les expériences les plus efficaces en terme de développement durable.

Les expériences où l’apport d’une simple main d’œuvre continue de constituer l’unique terme des projets «participatifs», sont au contraire, jugées comme des échecs car la gestion participative du projet (composante incontournable d’un projet « durable ») y est totalement occultée.

Aujourd’hui, même si la participation se base sur ces concepts, la demande de plus en plus forte de participation va de pair avec la tendance de démocratisation et de décentralisation du pays. La participation ne s’exprime plus uniquement sur les thèmes de la communauté. La participation commence à être une méthode qui pourrait s’appliquer à l’échelon municipal, micro régional voire régional afin de traiter des problèmes qui ne peuvent se résoudre au  niveau de la communauté. Dans le milieu des ONG, on parle davantage aujourd’hui de participation citoyenne que de participation communautaire. L’utilisation de cet outil a donc bel et bien évolué. Sur la base des trois concepts précédemment évoqués, la participation au Salvador revêt encore aujourd’hui plusieurs formes. Les travaux de systématisation de la participation réalisés par l’ONG FUSAI, en distinguent six. Lire l'article en entier

De la convivialité, Dialogues sur la société conviviale à venir.  Alain CAILLÉ, Marc HUMBERT, Serge LATOUCHE, Patrick VIVERET. 2011, La Revue du M.A.U.S.S. (Mouvement anti-utilitariste dans les sciences sociales)      

"Tout le monde sent bien, sait bien que nos sociétés ne pourront pas continuer longtemps sur leur lancée actuelle, en ravageant toujours plus la nature, en laissant exploser les inégalités, en lâchant la bride à une finance folle qui dévaste et corrompt tout. Mais quelle alternative imaginer ? Les idéologies politiques héritées ne semblent plus être à la hauteur des défis de l'époque. C'est dans ce contexte qu'il convient d'examiner ce qui est susceptible de réunir certains des courants de pensée les plus novateurs de ces dernières années : décroissance, recherche de nouveaux indicateurs de richesse, anti-utilitarisme et paradigme du don, plaidoyer pour la sobriété volontaire, etc.
Confrontant ici leurs points de vue, en cherchant davantage ce qu'ils ont en commun que ce qui les oppose, certains des animateurs les plus connus de ces courants constatent que l'essentiel, dans le sillage de certaines analyses d'Ivan Illich, est de jeter les bases d'une société conviviale : une société où l'on où l'on puisse vivre ensemble et « s'opposer sans se massacrer » (Marcel Mauss), même avec une croissance économique faible ou nulle."

Extrait de l'introduction  "Les discours à la fois élaborés et fortement cri-tiques sur différents points du fonctionnement et de la conduite de nos sociétés se font de plus en plus nombreux et alarmants. Ils parviennent parfois sur le devant de la scène médiatique mondiale – comme en atteste par exemple l’écho donné aux Rapports Stern ou Stiglitz – et semblent alors être écoutés jusque dans les plus hautes sphères politiques. Quelques idées sont même devenues des slogans planétaires, comme celle de développement durable, avancée en 1987 dans le Rapport Brundtland. Mais aucune de ces idées n’a été en définitve jugée suffisament convaincante pour que soient effectivement mises en œuvre les mesures radicales qu’elles appellent et qui permettraient d’avancer dans les directions espérées, comme en témoigne, par exemple, le récent échec du sommet de Copenhague (décembre 2009), pourtant inauguré dans une belle euphorie.

Pour faire vraiment bouger les lignes, il convient, selon toute vraisemblance, de ne pas en rester à un simple éventail de diagnostics critiques sur tel ou tel point particulier, mais de considérer que c’est l’ensemble du fonctionnement et de la conduite de nos sociétés qui est défectueux et appelle à une révision radicale. De tels diagnostics d’ensemble sont devenus rares depuis que la chute du mur de Berlin semble avoir au sens invoqué par Fukuyama – sonné la fi n de l’Histoire. Il n’y aurait plus qu’une seule manière de faire marcher et de diriger nos sociétés. C’en serait fi ni non seulement du socialisme, sous toutes ses formes, mais aussi de toutes les idéologies qui se donnent comme telles, car le marché a définitivement triomphé. Le marché ? Les gagnants du moment, si l’on peut dire ainsi, ont en effet abandonné la bannière du capitalisme pour se draper dans celle du marché, de la liberté et de la démocratie, proclamés indissociablement liés.

Les discours et les rêves anticapitalistes qui étaient les seuls à ouvrir une perspective de changement total se retrouvent quant à eux discrédités. S’ils bénéficient ces dernières années d’un certain regain d’audience, c’est en raison du sentiment qui prévaut, au sein d’une proportion croissante de la population, que la situation s’aggrave et que les remèdes annoncés successivement étant sans effet, la société est engagée dans une voie sans issue. Mais ils ne semblent pas en passe d’accéder à une véritable crédibilité politique planétaire. Si l’on veut donner corps à la résistance des mouvements de la société civile, à l’échelle mondiale, qui veulent garder l’espoir dans l’avenir en proclamant qu’« un autre monde est possible », il faut formuler l’espérance dans un autre langage que celui de l’anticapitalisme.

C’est dans cet esprit que j’ai demandé à quelques collègues français qui me semblaient être de ceux qui sont allés le plus avant dans cette voie, de venir en juillet 2010 débattre ensemble à la Maison franco-japonaise de Tokyo. Je faisais le pari, comme le rappelle la citation d’Ivan Illich en exergue, que « seul, dans sa fragilité, le verbe peut rassembler la foule des hommes pour que le déferlement de la violence se transforme en reconstruction conviviale... » Marc Humbert   Commander le livre
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"Fragilités et résilience : les nouvelles frontières de la mondialisation" 2014.

En 2011, dans la continuité du cadre de Hyogo pour 2005-2015 (Pour des nations et des collectivités résilientes face aux catastrophes), adopté en 2005 lors de la Conférence mondiale sur la prévention des catastrophes, l’Assemblée générale des Nations unies mentionnait que l’assistance humanitaire devait être intensifiée et fournie de manière plus efficace, dans un contexte mondial où les crises sont de plus en plus fréquentes et complexes. C’était reconnaître qu’il était nécessaire de repenser des programmes humanitaires conçus pour répondre à des besoins de court terme, mais sans réel souci de pérennité, et une aide au développement souvent inadaptée (par la lourdeur de ses procédures et ses délais de décaissement). Dans une nouvelle résolution adoptée en décembre 2013, l’Assemblée générale souligne l’impératif d’inclure cette démarche de renforcement de la résilience dans le nouvel agenda du développement « post-2015 », qui doit prendre le relais des OMD (Objectifs du millénaire pour le développement).

L’approche de la résilience, qui permet de concilier aide humanitaire et développement, semble constituer une réponse cohérente au besoin crucial de soutenir et aider les populations en situation de fragilité et de vulnérabilité, offrant par là-même des possibilités non seulement de prévenir des chocs futurs, mais également d’assurer la continuité et de conduire l’indispensable transition entre les phases d’aide humanitaire et d’appui au développement. De nombreux bailleurs de fonds ont adopté des stratégies dans cette optique et adapté leurs structures d’intervention.

Cet ouvrage s’interroge sur les innovations apportées par l’approche de la résilience, qui renouvelle l’aide au développement, en répondant aux nouvelles fractures et fragilités de nos sociétés dans un contexte de propagation accélérée des crises (environnementales, sanitaires, politiques et sociales...). Il analyse également les limites du concept, considéré parfois comme abstrait et « fourre-tout » dans ses fondements théoriques, et pose la question de son caractère opérationnel selon les acteurs et les échelles (ménages, entreprises, communautés humaines, villes, États, etc.), ainsi que selon les thèmes d’intervention (agriculture et sécurité alimentaire, environnement, etc.). De nombreuses études-pays centrées sur l’Afrique subsaharienne et l’océan Indien, la Colombie et Haïti mettent enfin en perspective ces analyses.

En rassemblant dans une optique pluridisciplinaire des contributeurs venus d’horizons divers, à travers une tentative de synthèse critique, ce travail collectif vise donc à contribuer aux débats internationaux sur ce concept et à l’ébauche d’une réflexion partagée et équilibrée entre le Sud et le Nord. Pour commander aux éditions Karthala

 

L’exemple inattendu des Vets, comment ressusciter un système public de santé, Denise Silber, Institut Montaigne, note juin 2007

 
« Si la médecine de la VHA continue de dominer son secteur, il va devenir très difficile de défendre la thèse selon laquelle la libre concurrence est la meilleure solution »
 
"Les patients de la VHA bénéficient du respect des référentiels médicaux dans 67 % des cas, contre 50 % pour les patients de toutes les autres catégories étudiées. De nombreuses études confirment ces chiffres.• Alors qu’il est établi que 3 à 8 % des prescriptions hospitalières aux États-Unis comportent des erreurs8 à la VHA, les ordonnances hospitalières sont rédigées et exécutées quasiment sans erreur grâce aux systèmes d’information.• Alors que la VHA a doublé le nombre de ses patients, le coût par patient est resté stable, à environ 5 000 dollars par personne et par an depuis 10 ans. En dehors du système VHA, le coût par patient est aujourd’hui estimé à 6 500 dollars par an.• L’effectif en ressources humaines a diminué de 10 000 personnes par rapport à 1995 et de 40 000 personnes par rapport aux années 1980.
Les patients sont satisfaits. En 2006, pour la sixième année consécutive, les hôpitaux de la VHA (« VA hospitals ») ont obtenu un taux de satisfaction de83 % chez les patients, contre 71 % pour les autres établissements.• En juin 2006, la VHA a reçu le prix Harvard de l’innovation pour son dossier médical électronique."