Du même coup, c’est sur la base des problèmes qu’il faut penser la participation des acteurs, car leur parole n’a de sens que par rapport à eux. La participation ne peut pas se décréter de façon abstraite. La participation ne vaut qu’en tant qu’instrument de résolution des problèmes de la société. Si elle est indispensable, nous devons cependant éviter de pérenniser des institutions représentatives, chargées de répondre à des problèmes évolutifs. Si les acteurs ont des choses à dire, c’est bien en fonction des problèmes qui les constituent en acteurs. Ce ne sont pas les " jeunes " qu’il faut faire participer, ce sont les problèmes qu’il faut gérer avec ceux qui les vivent. Ce n’est pas la même chose. Les acteurs sociaux ne communiquent que parce qu’ils ont un intérêt concret à communiquer. C’est bien pour cela que la participation ne se décrète pas, mais qu’elle se décide en fonction des situations vécues, pas en fonction des catégories d’âge ou des statuts sociaux. Ce sont les problèmes qui définissent les acteurs pertinents. Aujourd’hui on a souvent tendance à raisonner à l’envers, on cherche des solutions sans avoir réfléchi à la nature des problèmes à résoudre, et on s’étonne de l’inefficacité des solutions comme de la participation molle de ceux à qui on donne la parole. En soi, la participation n’est pas une solution, ça ne veut rien dire. Autrement dit, c’est la réalité sociale qui commande la nature et le degré de participation. Evitons le prêt-à-porter institutionnel et les démarches en kit, la réalité sociale a besoin de sur-mesure, c’est d’elle qu’il faut partir si l’on cherche des acteurs.
Méfions-nous également d’une conception angélique de la prise de parole. S’il faut aider à la circulation de la parole, cessons aussi de penser que celle-ci est bonne par essence. Les acteurs sociaux n’apportent qu’une parole, pas la parole. Elle est une parmi d’autres, nous le savons bien, et elle ne vaut que comme expression d’une réalité vécue. La participation donne la parole aux individus confrontés quotidiennement à certaines inégalités. L’intérêt est que cette prise de parole crée un précédent. La participation impose le principe de l’argumentation rationnelle et permet de gérer l’asymétrie des positions sociales dans la mesure où elle donne justement la parole à ceux qui ne sont pas toujours en mesure de pouvoir s’exprimer. La participation permet d’informer les gouvernants sur les problèmes des gouvernés, mais elle les contraint du même coup à justifier leurs actions. Elle ne sonne pas le glas des inégalités sociales, elle contribue seulement, ce qui est déjà beaucoup, à tenir compte des jugements des acteurs sociaux et à y répondre autrement que de manière arbitraire. L’expression force à l’explication.
Certes, la participation ne peut à elle seule être un remède à la crise de la représentation politique, et il serait vain d’aller chercher dans les micro régulations sociales un quelconque substitut à une démocratie politique empêtrée. Le risque est d’ajouter au discrédit actuel de la politique. Il y a quelque danger, nous l’avons dit, à confondre l’expression des citoyens : " égaux-différents " et la représentation de gens socialement situés, confrontés à des inégalités de tous ordres. Pour autant, ne négligeons pas les effets d’apprentissage d’une participation intelligemment conçue. Un acteur social concerné fait plus facilement un citoyen informé. La démocratie administrative rejoint ainsi la démocratie politique.